Rapport Synthèse N° 1 – Observatoire québécois des inégalités raciales au Québec
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Rapport d’étude 1 : État de la recherche sur les disparités socio-économiques et les discriminations raciales à l’emploi au Québec
GLOSSAIRE
Indicateurs étudiés
Taux d’activité : D’après Emploi Québec, le taux d’activité exprimée en pourcentage rapporte la population active sur celle âgée de 15 ans ou plus. La population active étant le nombre de personnes parmi la population de 15 ans ou plus, qui avaient un emploi ou qui étaient en au chômage pendant la semaine de référence. On considère, par exemple, comme inactives : les personnes retraitées, les personnes qui ne sont pas disposées à travailler et les personnes qui ne sont pas activement à la recherche d’un emploi (Emploi Québec, 2020). Un taux d’activité élevé signifie donc qu’une proportion importante de la population en âge de travailler est en emploi ou activement à la recherche d’un emploi.
Taux de chômage : L’OCDE (2020) définit les chômeurs comme des individus en âge de travailler sans travail, disponibles sur le marché du travail et qui ont accompli des démarches spécifiques pour trouver du travail. Ainsi, l’indicateur du taux de chômage est mesuré en nombre de personnes au chômage en pourcentage de la population active.
Écarts salariaux : Lorsque l’on compare les revenus des hommes et des femmes, on constate d’importants écarts. (Couturier L. V, 2020). L’écart salarial entre homme et femme constitue donc la différence de salaire entre les deux et peut être mesurée en termes horaires, hebdomadaires, mensuels ou annuels.
Autres Terminologies 1
Minorité visible :
Selon la Loi sur l’équité en matière d’emploi, « font partie des minorités visibles les personnes, autres que les Autochtones, qui ne sont pas de « race » blanche ou qui n’ont pas la peau blanche (Sud-Asiatiques, Chinois, Noirs, Philippins, Latino-Américains, Arabes, Asiatiques du Sud-Est, Asiatiques occidentaux, Coréens, Japonais.)
Personne racisée :
Personne qui appartient de manière réelle ou supposée, à un des groupes ayant subi un processus de racialisation. La racialisation est un processus politique, social et mental d’altérisation. Nous avions apporté une brève définition de la racialisation dans le premier bulletin, peut- être s’en servir par souci de cohérence Le mot « racisé » met l’accent sur le fait que la race n’est pas objective biologique, mais qu’elle est une idée socialement construite.
[1] Définition adaptée de la Ligue des droits et des libertés
INTRODUCTION
Au Canada, la discrimination raciale est réglementée et sanctionnée par la loi, mais elle reste dissimulée sur le plan social, et parfois politique (Renaud et al, 2004). Ses formes « élémentaires » peuvent se traduire par des comportements discriminatoires dont il est généralement difficile d’en cerner les liens ou de distinguer leur moment d’émergence respectif. Les rapports sociaux dans lesquels l’histoire et le pouvoir jouent un rôle constitutif, génèrent certes des discriminations ou des formes de ségrégation, mais le racisme apparaît « décentré » à travers des significations, des structures et des sites sociaux divers. (Renaud et Martin, 2006).
Plusieurs études ont soutenu l’hypothèse d’une discrimination ethnique à l’endroit des membres des minorités visibles au Canada. Elles ont montré qu’en dépit de leurs niveaux de qualification élevés, ces derniers exercent des emplois socialement moins valorisés et perçoivent des revenus inférieurs à ceux et celles des autres Canadien.es (Kamanzi, 2012). D’après les travaux de Eid (2012), à profil égal, le ou la candidat.e appartenant à la population majoritaire a au moins 60 % plus de chances d’être invité.e à un entretien que les candidat.es des minorités racisées ; et un peu plus d’une fois sur trois, ces derniers risquent d’être ignoré.es par l’employeur sur une base discriminatoire (Eid, 2012).
La racialisation des rapports sociaux dans l’emploi se traduit donc par le fait que les employeurs attribuent à des jeunes des minorités né.es au Québec des postes dévalorisants, pour lesquels ils présument qu’ils sont « inaptes », indépendamment de leur qualification réelle. De même, au-delà des minorités et groupes racisés, les femmes et les populations immigrantes restent tout aussi vulnérables face aux inégalités observées dans le monde professionnel au Québec. Ainsi, une étude récente de Verret (2015) montre que la part de femmes immigrantes récentes, n’exerçant pas un emploi lié à leur domaine d’études, est passée de 36% à 44%, entre 1991 et 2015 alors que cette proportion a augmenté de 22% à 28% chez les leurs homologues masculins (Verret. L, 2015). L’origine nationale des immigrant.es est donc un facteur important de stratification économique. D’ailleurs, on retrouve au bas de la hiérarchie essentiellement les mêmes groupes que dans le reste du Canada.
L’objectif de ce bulletin vise donc à brosser un portrait statistique des vingt dernières années sur les niveaux et tendances des indicateurs d’inégalité d’accès à l’emploi et d’autres indicateurs socio-économiques entre la population majoritaire, les groupes racisés et les immigrant.es au Québec.
Pour ce faire, nous avons procédé à une synthèse de la littérature publiée sur le concept de discrimination raciale dans l’emploi au Québec. Les bases de données sur Jstor, Google Scholars et Google ont été consultées à l’aide des groupes de mots-clés suivants : « Emploi au Québec » ; « inégalités dans l’Emploi au Québec », « discrimination raciale dans l’emploi au Québec », « inégalités salariales et accès au marché du travail au Québec ».
Nous avons ensuite combiné à cette revue de littérature, une exploitation de deux bases de données, l’une longitudinale permettant de pouvoir calculer les indicateurs sur une période d’observation donnée (2006-2020). Il s’agit de l’« Enquête sur la population active » (2020) menée par Statistique Canada, développée par l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) et mise à jour le 15 mars 2021. La deuxième source est l’« Enquête sur les trajectoires individuelles et dynamiques de participation des femmes et des hommes à la société québécoise » (2020).
ÉTAT DES LIEUX SUR LES NIVEAUX ET TENDANCES DES INDICATEURS SUR LES INEGALITÉS À L’EMPLOI AU QUÉBÉC
Participation au marché du travail
Au Québec, la « population active » est de 4,44 millions, dont 900.000 immigrant.es, soit un peu plus de 20 % de la population active totale. Dans l’enquête de la Commission des normes du travail (CNT) du Québec en 2012, 32 % des salarié.es d’agence sont immigrant.es (CNT, 2013). La participation au marché du travail est donc reconnue comme un facteur essentiel dans le processus d’intégration, permet de se définir et d’avoir un statut social, déterminant majeur d’insertion sociale (Paugam, 2007). D’après les dernières mises à jour des résultats de l’« Enquête sur la population active », au cours des cinq premiers mois de 2021, comparativement à la même période de 2020, 185 900 emplois se sont ajoutés au Québec. Cette hausse provient principalement de l’emploi à temps plein (+ 143 600) et dans une moindre mesure de l’emploi à temps partiel (+ 42 200) (Statistique Canada, 2021).
Toutefois, on observe des disparités dans la situation d’activité dans cette province et cela se révèle de façon notoire en défaveur des groupes immigrants d’après le recensement de 2016 et les résultats des Enquêtes sur la population active (2006-2020). En analysant l’évolution de l’indicateur du taux d’activité au cours des vingt dernières années, les données disponibles de l’« Enquête sur la population active » (2021) viennent confirmer ces disparités entre populations immigrantes et personnes nées au Canada.
Ainsi, le taux d’activité des immigrant.es au Québec est à la fois en dessous de la moyenne provinciale aussi bien qu’en dessous de celui des non-immigrant.es entre 2006 et 2015 (respectivement 62% contre 65% en 2006 et 64,6% contre 64,8% en 2015). Cependant, à partir de 2016, les données de l’Enquête sur la population active révèlent que le niveau du taux d’activité des populations immigrantes est passé au-dessus de celui des natifs (respectivement 65,8% contre 64,2% en 2016 et 67,8% contre 62,8% en 2020 comme le montre le graphique 1).
L’analyse par statut migratoire selon le sexe nous montre qu’entre 2006 et 2009 au Québec, le taux d’activité est plus élevé chez les hommes nés au Canada par rapport à leurs homologues nés hors Canada.
Graphique 1 : Niveau et tendance du taux d'activité (%) dans la province du Québec : inégalités entre des populations immigrantes et celles nées au Canada
Sources : Exploitation de l’Enquête sur la population active, (Statistique Canada, 2020), mise à jour :15 mars 2021
Ce taux en 2009 est de 68,1% chez les hommes immigrants contre 70,1% chez les non-immigrants (voir le Tableau 1). Néanmoins, cette tendance s’inverse à partir de 2010 avec un taux d’activité chez les hommes immigrants supérieur à celui de leurs homologues nés au Canada quelques soit l’année considérée (70,8% contre 69,7% en 2010 et 73,4% contre 66,2% en 2020) avec un écart qui continue de se creuser en faveur des hommes immigrants.
Parallèlement, le taux d’activité des femmes immigrantes du Québec est inférieur à celui de leurs homologues canadiennes de 2006 à 2016 (53,8% contre 60,7% en 2006 et 60% contre 60,6% en 2016), mais cette tendance change à partir de 2017 où ce taux chez les femmes immigrantes augmente de façon continue (61,8% à 62,3%) en passant au-dessus de celui de leurs homologues nées au Canada.
Tableau 1 : Taux d'activité (%) au Québec entre 2006 et 2020 par statut migratoire selon le sexe
Sources : Exploitation de l’Enquête sur la population active, (Statistique Canada, 2020), mise à jour :15 mars 2021
La littérature scientifique nous révèle également qu’au Québec, le statut de minorité visible et la région d’origine sont souvent considérés comme des variables déterminantes des inégalités et discriminations subies dans l’insertion professionnelle. D’après Gagnon et collaborateurs, les hommes et les femmes d’Europe de l’Ouest et des États-Unis présentent un avantage (Gagnon et al, 2017) par rapport à ceux d’origine asiatique, océanique et africaine. Plus de la moitié des femmes d’Europe de l’Est et de l’ex-URSS, de l’Asie de l’Ouest et du Moyen-Orient, de l’Asie de l’Est et de l’Océanie, ne sont pas parvenues à obtenir un emploi qualifié quatre ans après leur arrivée pour plusieurs raisons dont la discrimination raciale (Gagnon et al, 2017).
Niveau et tendance du chômage
Par rapport à la moyenne des cinq premiers mois de 2020, le niveau général du taux de chômage au Québec a baissé de 2,8 points pour se fixer à 6,9 % contre 8,3% au Canada (Statistique Canada, 2021). Les données du recensement vingt ans plus tôt, c’est-à-dire en 2001 signalent que si à l’époque, le taux de chômage des immigrants au Québec était plus élevé que celui de la population en général (12 % contre 8 %), celui de la population appartenant à une minorité visible l’était encore davantage soit 14 % pour les groupes racisés nés au Canada contre 15.4 % pour ceux nées à l’étranger (Statistique Canada, 2001 ; Morin et Lenoir, 2008). Entre 2001 et 2012, le niveau du taux de chômage au Québec observé au sein des populations immigrantes ne s’est pas amélioré au fil du temps. Il a connu une augmentation de 0.9, autrement dit, il est passé de 12% en 2001 à 12,9% en 2006, puis a connu une très légère baisse et se situait à 11,7% en 2012 (Boudarbat et Connolly, 2013).
À partir de 2013 et jusqu’en 2020, l’analyse des données du Québec de l’Enquête sur la population active montre aussi que le taux de chômage a connu une baisse continue, mais celui des immigrants restent toujours supérieur à celui des Canadien.nes résident.es au Québec de même qu’à celui de la moyenne provinciale (Graphique 2)
Graphique 2 : Niveau et tendance du taux de chômage dans la province du Ouébec inégalités entre des populations immigrantes et celles nées au Canada
Sources : Exploitation de l’Enquête sur la population active, (Statistique Canada, 2020), mise à jour :15 mars 2021
Bien que cette remontée du taux de chômage en 2020 pourrait être la conséquence de la crise économique engendrée par la crise du Covid-19, il n’en demeure pas moins que l’impact touche de façon inégalitaire les populations, et la catégorie des immigrants reste plus vulnérable.
La littérature existante révèle également que les groupes racisés noirs demeurent plus à risque que les autres d’être au chômage en 2016 (Boudarbat et Connolly, 2013). D’autres études ont montré qu’en 2006, au Québec, les Nord-Africains avaient le plus haut taux de chômage parmi les immigrants très récents et les immigrants récents (27.9 % et 18.7 % comparativement à 6.3 % pour la population née au Canada) (Statistique Canada, 2008b).
Nous relevons également que la littérature existante a mis en lumière une vulnérabilité des populations autochtones du Québec par rapport au chômage. Ainsi, les statistiques révèlent que le taux de chômage est environ deux fois plus élevé chez les hommes autochtones comparé à leurs homologues non autochtone (14,8 % vs 6,8 %). Cette situation se traduit également chez les femmes avec un taux de chômage qui s’élève à 9,3 % pour les Autochtones contre 5,2% pour leurs homologues non autochtones (Statistique Canada, 2016).
Écarts salariaux
En 2020, le salaire horaire moyen au Québec était de 28,2$. L’analyse différentielle entre homme et femme nous montre une disparité importante avec un salaire horaire moyen des hommes de 29,36$ (supérieur à la moyenne provinciale) contre 26,98$ pour les femmes, soit un écart horaire de 2,38$ de moins pour les femmes (Statistique Canada, 2021). Toutefois, cette discrimination qui caractérise les femmes en termes d’égalité salariale n’est pas un phénomène récent. L’étude de l’évolution des salaires entre 2006 et 2020 montre que sur quinze ans d’observation, le salaire horaire moyen des femmes est toujours inférieur à celui des hommes quelques soit l’année considérée (17,42$ contre 20,2$ ; 20,92$ contre 23,82$ et 26,98$ contre 29,36$ respectivement en 2006, 2013 et 2020) (Graphique 3).
En prenant en compte le statut migratoire, on remarque aussi une discrimination envers les immigrant.es comparé.es aux Québécois.es nés au Canada. Ainsi, les statistiques existantes sur l’évolution des écarts salariaux entre immigrants récents et non-immigrants montrent que, malgré le fait que le salaire moyen horaire ait évolué globalement chez les deux groupes, il n’en demeure pas moins que ce dernier est beaucoup plus bas chez les immigrant.es récent.es. Il était de 14,95$ contre 18,95$ en 2006 ; 18,24$ contre 22,62% en 2013 et se situe en 2020 à 24,67$ chez les immigrant.es récent.es contre 28,41$ des Canadien.nes.
Graphique 3 : Niveau et tendance du salaire horaire ($) moyen de la province du Québec des populations immigrantes et celles nées au Canada
Sources : Exploitation de l’Enquête sur la population active, (Statistique Canada, 2020), mise à jour :15 mars 2021
D’autres sources dans la revue existante à la lumière des travaux de Cardena (2018) abondent dans le même sens et établissent qu’en dépit de la volonté affirmée du Canada et du Québec d’investir davantage d’année en année, dans la venue de travailleurs immigrants, on observe une augmentation de l’écart salarial entre les immigrants arrivés dans les années 1960 et ceux des années 1990 (-27 % au détriment de ces derniers) (Boudarbat et Boulet, 2007).
L’analyse par statut migratoire selon le sexe nous montre quant à elle, que le salaire horaire est plus élevé chez les hommes nés au Canada par rapport à leurs homologues qui ont un statut d’immigrant récent, quelques soit l’année considérée entre 2006 et 2020 (voir tableau 2). Les hommes nés au Canada percevaient 20,32$ de l’heure en 2006 contre 15,7$ de l’heure pour ceux d’origine étrangère. Bien que ce salaire horaire ait connu une augmentation au cours du temps chez les deux catégories, les discriminations dans les salaires ont demeuré au cours du temps en défaveur des hommes immigrants qui sont moins payés pour un même service rendu par rapport à ceux nés au Canada (25$ contre 29$ en 2020).
Tableau 2 : Évolution du salaire horaire ($) moyen au Québec entre 2006 et 2020 par statut migratoire selon le sexe
Sources : Exploitation de l’Enquête sur la population active, (Statistique Canada, 2020), mise à jour :15 mars 2021
Le scénario est identique lorsqu’on analyse le salaire des femmes immigrantes par rapport à leurs homologues non-immigrantes avec une différence salariale par heure en moyenne de 4$ au détriment des femmes d’origine étrangère (23,4$ contre 27,1$ en 2020). De même, toujours au Québec, les arguments démontrant l’existence du racisme systémique comprennent des données sur la sous-représentation des immigrant.es et des personnes racisées dans des postes décisionnels sur le plan politique (Armony, 2010).
Les discriminations en termes d’écart salarial touchent également les groupes racisés autochtones. Le revenu annuel médian des Autochtones au Québec était de 25 386 $ en 2015, soit un revenu 14,3 % moins élevé que celui des non-Autochtones (29 632 $) (Boisclair et al, 2019). Cependant, les inégalités traduites par les écarts salariaux varient d’une nation à l’autre et ce sont les Inuits qui sont les plus défavorisés.
FACTEURS ASSOCIÉS À L’INÉGALITÉ SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL AU QUÉBÉC
Discriminations
Les statistiques récentes de l’enquête sur les trajectoires individuelles et dynamiques de participation des femmes et des hommes à la société québécoise (TraJIpaQ, 2020) révèlent la vulnérabilité qui caractérise les minorités visibles ainsi que les minorités ethniques face à la discrimination raciale dans le processus de recherche d’emploi. Concrètement, parmi les minorités visibles résidant au Québec, 32,1% affirment avoir subi de la discrimination raciale dans leur recherche d’emploi contre seulement 17% du groupe majoritaire.
Graphique 4 : Proportion (%) des répondants ayant affirmé avoir subi une discrimination dans le processus de recherche d'emploi selon le statut de minorité visible et d'immigrant
Sources : Exploitation de l’Enquête sur la population active, (Statistique Canada, 2020), mise à jour :15 mars 2021
Aussi, en tenant compte de l’origine raciale des minorités, d’autres travaux révèlent qu’en 2014, 13 % des Canadien.nes noir.es, par rapport à 6 % de leurs homologues qui n’étaient pas noir.es, ont déclaré avoir subi de la discrimination au travail (Turcotte, 2020). L’enquêtes TrajIPaQ de 2020 montrent également que la discrimination raciale subie par les minorités visibles varie en fonction de l’origine et la provenance des personnes. Ainsi, 83% des Noir.es des Caraïbes estiment avoir subi de la discrimination raciale dans la recherche d’emploi au Québec, suivi des Sud-Asiatiques et Japonais.es (50%) ; des Latino-américain.es et Arabes (respectivement 43% et 38%). 25% des Noir.es africains, et Chinois affirment avoir subi des discriminations dans le processus d’embauche.
D’autres travaux relèvent le fait que les chercheur.es d’emploi appartenant à une minorité visible sont parfois discriminé.es dès la première phase du recrutement, sur la base d’un nom à consonance « étrangère » ou lors de l’entrevue lorsque l’on constate qu’ils appartiennent à une minorité visible (Lenoir-Achdjian et al, 2008).
La langue comme facteur de discrimination dans l’emploi
D’après les travaux de Bourhis et ses collègues, au Québec, 41 % des minorités visibles ayant l’anglais comme langue maternelle déclarent avoir été victime de discrimination contre 28% des minorités visibles ayant le français comme langue maternelle (Bourhis et al., 2005). Les travaux de Vaillancourt et al (2007) montrent également que la langue est un facteur de racisme dans la vie active au Québec. Ces auteurs estiment par exemple, que les francophones unilingues gagnent 18 % de plus que les anglophones unilingues au Québec et que les francophones bilingues gagnent 12 % de plus que leurs homologues anglophones bilingues (Vaillancourt al, 2007).
Toujours d’après ces auteurs, la langue est également pointée du doigt à une proportion très importante comme obstacle majeur pour l’accès à l’emploi chez les immigrant.es (près de la moitié des immigrant.es du Québec, soit 49,7 %, souligne, parmi les problèmes rencontrés pour trouver du travail, celui de la langue).
Niveau d’éducation et expériences professionnelles.
Concernant le niveau d’instruction, d’après Green et Zhu (2010), il ressort de plusieurs études que les personnes détenant des diplômes universitaires sont le plus souvent surqualifiées. Les travaux antérieurs sur la question révèlent, à la lumière de Boudarbat et Connolly (2013), que de manière générale, le niveau de scolarité des immigrant.es récent.es est souvent supérieur à celui de la population née au Canada. Ainsi, l’augmentation du nombre de diplômé.es universitaires, y compris ceux et celles qui ont obtenu leur diplôme à l’étranger, donne lieu à des inquiétudes quant à la possibilité que l’économie canadienne ne crée pas assez d’emplois pour les diplômé.es universitaires, et qu’un trop grand nombre de diplômé.es se voient forcé.es d’occuper des emplois de niveau inférieur, notamment chez les populations immigrantes (LaRochelle-Coté et Hango, 2016).
Ces diplômé.es universitaires « surqualifié.es » seraient exposé.es à un risque accru de chômage, de gains moins élevés, de perte de compétences et de degrés inférieurs de satisfaction au travail. Par conséquent, le fait de provenir d’un pays moins développé par exemple, prédispose l’immigrant au chômage et à la surqualification au Québec, et les statistiques à ce sujet prouvent que 18,8% des personnes originaires d’Afrique du Nord sont victimes de surqualification contre seulement 4,3% de ceux en provenance des États-Unis et d’Europe, (Boudarbat et Boulet, 2010).
La couleur de peau et les signes religieux
D’après plusieurs statistiques et littératures existantes, la couleur de peau serait une source potentielle de discrimination à l’embauche ou dans le milieu de travail. D’après les travaux de Raileanu (2019), les réactions négatives à la couleur de la peau sont mentionnées par 27% des femmes africaines, 25% des femmes asiatiques contre 4% des femmes latino-américaines comme facteur de discrimination raciale dans leur processus de recherche d’emploi ou dans leur lieu de travail. Enfin, les signes religieux, notamment le port du voile est caractéristique de l’expérience du racisme à l’embauche au Québec. À cet effet, parmi les femmes africaines ayant déclaré avoir subi des discriminations raciales dans l’emploi (31%), 85% sont magrébines et portent le voile (Raileanu, 2019).
CONCLUSION
Cette étude a analysé les niveaux et les tendances au Québec, des indicateurs de disparités socio-économiques et de discriminations raciales à l’emploi. Elle a constitué une recension des statistiques et indicateurs liés à la participation au marché de l’emploi, au chômage, aux écarts salariaux et aux facteurs de discrimination dans l’emploi. Des inégalités caractérisent donc à cet effet les indicateurs de l’emploi entre immigrant.es et non-immigrant.es : en 2016 avec 85% de la population majoritaire qui sont en emploi contre 62% chez la catégorie des immigrants (Statistique Canada, 2016). Toutefois, l’étude des chiffres des cinq dernières années montre qu’au Québec, la participation des immigrants au marché du travail est devenue plus importante que celle des populations nées au Canada avec un taux d’activité en 2020 : 67,8% contre 62,8% (Statistique Canada, 2021).
En termes de chômage, il ressort qu’au Québec, il existe un écart important entre les hommes et les femmes, (écart en défaveur des hommes). Le taux de chômage est donc plus bas chez les femmes par rapport aux hommes et l’analyse reste similaire en comparant les immigrant.es et les non-immigrant.es avec un taux de chômage plus élevé chez les immigrant.es par rapport aux population nées au Canada. (Boudarbat et Connolly, 2013)
Concernant le niveau des salaires, il s’est avéré au terme de cette étude qu’à qualification égale, les femmes subissent une discrimination notoire avec un salaire horaire moyen inférieur à celui des hommes. De même, sur la période de 2006 à 2020, on relève des inégalités dans les salaires au détriment des populations immigrantes. Ainsi, les immigrant.es sont payé.es de 4$ de l’heure en moins par rapport à leurs homologues né.es au Canada (Statistique Canada, 2021).
Enfin, la langue constitue un facteur potentiel de discrimination dans l’emploi au Québec. Les populations ayant l’anglais comme langue maternelle et qui sont des minorités linguistiques au Québec déclarent avoir été victime de discrimination dans l’emploi à hauteur de 12% contre 7% des francophones du Québec (Bourhis et al., 2005). La surqualification, la non reconnaissance des diplômes obtenus à l’étranger (touchant majoritairement les personnes immigrantes), la couleur de la peau (Raileanu, 2019), de même que les signes religieux apparents comme le port de voile constituent également des caractéristiques de l’expérience du racisme dans le processus de recrutement au Québec.
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