Bulletin N° 2 – Étude empirique sur les expériences et les perceptions en matière de discrimination raciale dans l’emploi

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Bulletin N° 2 – Étude empirique sur les expériences et les perceptions en matière de discrimination raciale dans l’emploi

1 – Introduction

Bien que les statistiques sur les inégalités et la discrimination dans l’emploi en fonction de l’identité raciale offrent une perspective claire des écarts à combler, elles ne rendent pas compte des expériences de celles et ceux qui les subissent. La discrimination est interdite dans tous les domaines de la vie d’une personne dont quelques-uns clés sont le logement (la location d’un appartement); les services, les transports et les lieux publics (les commerces, restaurants et hôtels, les écoles, hôpitaux et églises), les actes juridiques (les contrats, les conventions collectives, les régimes de retraite, etc) et bien évidemment celui de l’emploi (le processus d’embauche et de préembauche, traitement de salaire, la formation professionnelle, la promotion ou la mutation etc.); qui fait l’objet de notre étude.

Comme nous l’avons montré dans notre première étude sur la récension des indicateurs de discrimination en emploi au Québec, plusieurs faits saillants ont émergé à la lumière de l’évolution des écarts salariaux entre les personnes immigrantes récents et non-immigrants qui montrent que le salaire moyen horaire est beaucoup plus bas chez les immigrant.e.s récent.e.s comparé à celui des canadiens résident au Québec; ou encore que les discriminations raciales dans l’emploi subie par les minorités visibles varie en fonction de l’origine et la provenance des personnes. Dans la suite logique de ces éléments de littérature, nous visons dans cette étude, à travers une enquête réalisée par notre équipe auprès des résidents du Québec, à décrire les expériences et perceptions de la discrimination des personnes racisées et immigrantes dans leur recherche d’emploi ou sur leur lieu de travail. Dans un second temps, nous mesurons également les avis des résidents de la province du Québec sur les discriminations telle que perçu au sein de la société.

En claire, à travers cette étude, nous répertorions les différents types de discrimination, y compris leurs répercussions sur le bien-être général des individus ciblés, ainsi que les réactions aux actes discriminatoires. Un questionnaire visant à recueillir des données quantitatives comprenant des questions fermées et ouvertes a été élaboré et distribué en ligne à 137 personnes. Leurs réponses nous permettent de brosser un portrait des expériences et des perceptions en matière de discrimination raciale dans l’emploi.

2 – Méthodologie

Un appel à la participation à cette étude a été distribué auprès des membres de divers réseaux des partenaires du projet. Des groupes et associations de migrants, de travailleurs expatriés au Québec; ont été également invités à répondre aux questionnaires à travers les réseaux sociaux, notamment sur la plateforme Facebook. Cet appel invitait toute personne âgée de 18 ans ou plus et résidente au Québec, peu importe son statut légal, qui a vécu de la discrimination raciale dans le monde du travail. Les participants ont été informés des objectifs de l’étude et du fait qu’aucun renseignement personnel pouvant permettre leur identification ne serait retenu. Le questionnaire était donc complètement anonyme et au terme de la collecte, un total de 137 individus ont participé entre le 1er décembre 2021 et le 15 février 2022.

Le questionnaire utilisé inclut une quarantaine de questions portant, entre autres, sur les expériences de discrimination (leur fréquence et motif), les suites données (plaintes, réponses obtenues) et les pressions ressenties en lien avec une identité minoritaire (sentiment de devoir fournir plus d’efforts, d’être irréprochable, d’accepter des travaux pour lesquels on est surqualifié, etc.). Des questions sur les données sociodémographiques (tel que l’âge, le sexe du répondant), sur les indicateurs économiques (tel que la situation d’emploi, secteur d’activité du répondant), sur le profil biographique, sur le parcours migratoire et sur la trajectoire professionnelle de chaque participant permettent de contextualiser les informations collectées.

3-Éléments d’analyse des résultats

Nous présentons ici quelques résultats de l’étude. Il est question du profil sociodémographique des répondants, des opinions sur le climat social, c’est-à-dire la perception qu’ont les répondants de la manière dont la société (gouvernement, opinion publique, employeurs) se positionne vis-à-vis des discriminations raciales à l’embauche et dans les lieux de travail.

3.1-Profil sociodémographique des répondants

Le groupe de répondants comporte 86 femmes (63%) et 51 hommes (37%); 33 individus âgés de 18 à 34 ans (24%), 50 de 35 à 44 ans (36%), 32 de 45 à 54 ans (23%) et 19 de 55 ans et plus (14%); 127 membres de minorités racisées (93%); 118 immigrant.e.s (86%); 45 personnes chrétiennes (33%), 41 personnes musulmanes (30%) et 48 se déclarent sans confession religieuse (35%); 129 ont fait des études universitaires (94%). Quant à l’origine ethniques des répondants, 30% des immigrants ayant répondu sont d’origines latino-américaine suivi de 29% arabes (Voir tableau 1). 17% des personnes de races noires, suivies de 3,4% qui sont originaire du sud est asiatiques.

Tableau 1 : Fréquence absolue et relative des répondants par statut migratoire selon leurs origines ethniques.

Origine ethnique du répondant.

Statut migratoire

Immigrants

Non migrants

Total général

Immigrants (%)

Non migrants (%)

Africaine maghrébine berbère

1

 

1

0.8

0.0

Arabe

35

2

37

29.7

10.5

Arabe, Humaine 

1

 

1

0.8

0.0

Arabe, Sud-asiatique

1

 

1

0.8

0.0

Asiatique

1

2

3

0.8

10.5

Asiatique, Adopté

1

 

1

0.8

0.0

Berbère (amazigh)

1

 

1

0.8

0.0

Blanche qui passe pour latino ou arabe

 

1

1

0.0

5.3

caucasienne

1

 

1

0.8

0.0

indo européen

1

 

1

0.8

0.0

Indo-européenne

1

 

1

0.8

0.0

Je suis franco-quebecoise convertie à l’Islam (voilée)

 

1

1

0.0

5.3

Latino-Américain-e

36

5

41

30.5

26.3

Latino-Américain-e, Italo-latino

1

 

1

0.8

0.0

Latino-Américain-e, Premières Nations, Métis-se, Autochtone

2

 

2

1.7

0.0

Maghrébine

1

 

1

0.8

0.0

Noir-e

21

6

27

17.8

31.6

Noir-e, Blanche

1

 

1

0.8

0.0

Noir-e, Métissée (blanc (France),  Noire (Mozambique-Madagascar), sud-asiatique (Inde)

1

 

1

0.8

0.0

Noir-e, Premières Nations, Métis-se, Autochtone

1

 

1

0.8

0.0

Nord-Africaine (Maroc, je ne m’identifie par à la catégorie arabe)

1

 

1

0.8

0.0

Sud-asiatique

4

 

4

3.4

0.0

Non réponse

5

2

7

4.2

10.5

Total général

118

19

137

100.0

100.0

 

Source : Enquête en ligne, février 2022

3.2-Niveau d’éducation atteint et situation dans l’emploi des répondants 

L’analyse du tableau 2 ci-dessous nous révèle que parmi les populations immigrantes ayant participé à l’étude, 63% ont atteint le deuxième ou le troisième cycle, c’est-à-dire titulaire soit d’une maitrise ou d’un doctorat. 30% quant à eux ont atteint le niveau baccalauréat suivi de 3% qui ont atteint le CEGEP. Par ailleurs, la situation dans l’emploi varie selon le statut migratoire du répondant. Ainsi le premier constat que nous relevons est que la majorité des répondants qui ont répondu à notre questionnaire occupe un emploi à temps plein. Ainsi, parmi les répondants immigrants qui ont participé à l’étude, 72% occupent un emploi à temps plein contre 90% de la catégorie des répondants canadiens. La proportion des canadiens ayant participé à l’étude et qui travaillent à temps partiel est relativement inferieur (5%) à celle des populations immigrantes (11%) avec 2,5% de ces derniers qui sont sans emplois contre 5% de la catégorie des non migrants. (Tableau 3)

Tableau 2 : Répartition des répondants par statut migratoire selon le plus haut niveau de scolarité atteint.

Origine ethnique du répondant.

Statut migratoire

Immigrants

Non migrants

Total général

Immigrants (%)

Non migrants (%)

Baccalauréat (1er cycle)

36

9

45

30.5

47.4

Cégep

4

 

4

3.4

0.0

Maîtrise, Doctorat ou Diplôme professionnel (2e ou 3e cycles)

75

9

84

63.6

47.4

Secondaire (y compris la formation professionnelle)

3

1

4

2.5

5.3

Total général

118

19

137

100.0

100.0

 

Source : Enquête en ligne, février 2022

Tableau 3 : Répartition des répondants par statut migratoire selon leur situation d’emploi.

Origine ethnique du répondant.

Statut migratoire

Immigrants

Non migrants

Total général

Immigrants (%)

Non migrants (%)

Autonome

1

0

1

0.8

0.0

Employé non permanent à temps plein

1

0

1

0.8

0.0

Employé-e à temps partiel

13

1

14

11.0

5.3

Employé-e à temps plein

85

17

102

72.0

89.5

En congé

2

0

2

1.7

0.0

Étudiant-e

5

0

5

4.2

0.0

Pause personnel

1

0

1

0.8

0.0

Pigiste à temp plein

1

0

1

0.8

0.0

Précaire (je travaille selon le surplus de cours à donner au collège)

1

0

1

0.8

0.0

Retraité-e

2

0

2

1.7

0.0

Sans emploi

3

1

4

2.5

5.3

Temporaire temps plein

1

0

1

0.8

0.0

Travailleur autonome

1

0

1

0.8

0.0

Travailleuse autonome

1

0

1

0.8

0.0

Total général

118

19

137

100.0

100.0

 

Source : Enquête en ligne, février 2022

3.3-Opinions sur le climat social

 

Un aspect important dans la manière dont les personnes minoritaires vivent la discrimination systémique concerne la perception qu’elles ont du degré de reconnaissance du problème par le gouvernement et par l’opinion publique. La discrimination qui se manifeste de manière subtile et indirecte les victimise doublement, car il revient à la personne qui la subit d’en démontrer l’existence et les effets délétères. Si la personne minoritaire a le sentiment que son vécu est nié par la majorité, le dommage causé est encore plus grand, surtout sur le plan subjectif. Aussi, quand la société n’accompagne pas les victimes de discrimination dans leur quête individuelle de justice – pour obtenir des conditions équitables, des sanctions pour les responsables, des compensations pour les torts subis, des correctifs aux normes et pratiques fautives – les barrières systémiques sont plus susceptibles de rester en place. En effet, chaque redressement d’une situation de discrimination constitue un geste exemplaire de reconnaissance de l’enjeu et, en ce sens, une validation collective des expériences et des revendications des personnes minoritaires.

 

Pour tenir compte de cet aspect, nous avons posé une série de questions sur la façon de percevoir le gouvernement, l’opinion publique et la société en général (avec un focus sur le domaine de l’emploi) en regard de la discrimination (Graphiques 1 et 2). Les deux premières questions s’intéressent au degré de reconnaissance du phénomène : est-ce que le gouvernement et l’opinion publique exagèrent, minimisent ou reconnaissent adéquatement les discriminations au Québec? Les réponses vont massivement (9 participants sur 10) dans le sens de considérer que l’enjeu est minimisé. Même si l’on pouvait s’attendre à recueillir ce type d’opinion, vu l’objectif de cette étude et le fait que ses participants sont indubitablement concernés par la question du racisme, il est néanmoins intéressant d’observer un tel quasi-consensus. Bien sûr, notre échantillon ne prétend pas être représentatif de la population racisée du Québec. Pourtant, le fait que la presque totalité des participants à cette étude expriment une impression de ne pas être écoutés par le reste de la société et ses dirigeants constitue en soi une réalité qui doit attirer notre attention.

 

Le Graphique 3 présente le niveau d’accord des participants avec plusieurs énoncés qui réfèrent aux pressions supplémentaires auxquelles les personnes minoritaires sont sujettes dans leur vie quotidienne et, en particulier, dans leur emploi. Les réponses abondent dans le sens des résultats précédents : non seulement les personnes appartenant à des minorités visibles ou ethniques seraient plus susceptibles d’être victimes de discrimination (82%), mais elles se voient obligées de faire plus d’efforts pour s’intégrer au travail que les autres (74%), subissent la charge mentale d’être irréprochables par peur d’être sanctionnées ou de perdre leur emploi (72%) et sont plus touchées par la précarité que des personnes blanches ou issues de minorités blanches (68%). En claire, environ 7 répondants sur 10 considèrent qu’une personne minoritaire est généralement soumise à des exigences supérieures comparativement aux membres de la majorité. Il va de soi que ces exigences s’articulent, d’un côté, aux préjugés que bien des gens entretiennent à leur égard (les croyant par défaut, en raison de leur identité, moins compétents, moins intégrés, etc.). De l’autre côté, le fait d’être jugé plus sévèrement par son employeur peut entrainer comme conséquence la déqualification du travailleur (qui sera assigné à des postes ou à des tâches qui se trouvent en bas de son niveau de compétence).

 

Graphique 1 – Accord avec les énoncés (N=137)

Sources: Enquête en ligne, février 2022

Graphique 2 – Accord avec les énoncés (N=137)

Sources: Enquête en ligne, février 2022

Graphique 3 – Accord avec les énoncés à propos des « personnes de minorités visibles ou ethniques » (N=137)

Sources: Enquête en ligne, février 2022

3.4-Perception et expérience de discrimination relative à l’emploi

La discrimination systémique se produit par la convergence de nombreux facteurs qui ont pour effet de réduire l’accès des membres de minorités à des opportunités qui sont supposément ouvertes à tous sur une base méritocratique. Le domaine du travail est particulièrement affecté par ces processus, car l’employeur cherche à combler des postes, à assigner des tâches et à distribuer des rémunérations en fonction de la valeur du travail apporté par chaque employé. Évidemment, si le jugement au sujet des compétences et de la performance au travail est biaisé par la présence de stéréotypes (ou même de difficultés de communication interculturelle), la situation s’avère inéquitable envers les personnes ciblées par les stéréotypes (ou qui sont évaluées incorrectement en raison des différences culturelles).

C’est pourquoi nous avons cherché à connaitre l’impact des ces barrières, tel qu’expérimentées par les participants à notre étude. Nous n’avons retenu que les réponses des personnes dans le groupe qui se sont identifiées comme non-blanches afin de mieux cerner le phénomène. Concrètement, nous leur avons posé la question suivante : Si vous subissez une dévalorisation dans le domaine de l’emploi, quels sont les facteurs de cette dévalorisation? Parmi les 127 personnes racisées, 100 ont répondu à la question en indiquant au moins un facteur de dévalorisation (ce qui veut dire que 79% d’entre elles se sentent dévalorisées dans le travail).

A la question « Avez-vous déjà subi de discrimination dans votre emploi actuel? », le tableau 4 ci-contre nous révèle des disparités entre population immigrants résidents et leurs homologues canadiens. Ainsi, 53,4 % des répondants nés hors du canada et qui résident au Québec affirment sans ambiguïté avoir subi de discrimination dans leur emploi actuel contre 32% qui ont déclaré n’en avoir pas subi dans leur emploi actuel avec 12% qui n’en sont pas sûr. On remarque ce pendant que ces proportions sont en défaveurs des immigrants lorsqu’on les compare à la catégorie des répondants non migrants (nés au canada) avec une proportion de personnes ayant déclaré n’avoir jamais subi de discrimination relativement plus élevée chez ces derniers (42% contre 32%).

Tableau 4 : réparation des répondant par statut migratoire selon l’affirmation de discrimination subie dans l’emploi actuel.

Avez-vous déjà subi de discrimination dans votre emploi actuel ?

Statut migratoire

Immigrants

Non migrants

Total général

Immigrants (%)

Non migrants (%)

Je ne suis pas sûr

14

2

16

11.9

10.5

Non

38

8

46

32.2

42.1

Oui

63

9

72

53.4

47.4

(vide)

3

 

3

2.5

0.0

Total général

118

19

137

100.0

100.0

Source : Enquête en ligne, février 2022

Le Graphique 4 montre que les préjugés jouent un rôle capital dans la dévalorisation, un facteur mentionné par plus de 7 personnes sur 10. Le manque de reconnaissance adéquate des diplômes obtenus à l’étranger est mentionné par la moitié des répondants, alors que la non-reconnaissance de l’expérience professionnelle à l’étranger et la déqualification (qui implique un déclassement par rapport aux responsabilités qui sont confiés au travailleur) sont des facteurs indiqués par 4 répondants sur 10. Le Graphique 5 nous permet de compléter ce portrait, en nous montrant la distribution des réponses à la question suivante : Sentez-vous le besoin de faire plus que les autres pour prouver que vous méritez votre place? La moitié des répondants racisés répondent que cela leur arrive toujours, et un tiers d’entre eux disent que cela leur arrive souvent. Encore une fois, peu importe la représentativité de notre échantillon, nous constatons un phénomène digne d’intérêt : l’expérience des personnes racisées témoigne d’un fort sentiment d’injustice devant la valorisation de leur contribution, ce qui revoie directement au cœur du principe du mérite. L’idée de devoir prouver constamment sa valeur dévoile la figure de l’Autre comme « déficitaire », forcé à remplir cet écart entre ses capacités véritables et les préjugés que l’on projette sur lui.

Graphique 4 – Proportion (%) des répondants ayant affirmé leur accord avec les énoncés ci-dessous (N=100)

Sources: Enquête en ligne, février 2022

Graphique 5 – Accord avec l’énoncé « Sentez-vous le besoin de faire plus que les autres pour prouver que vous méritez votre place? » (N=127)

Sources: Enquête en ligne, février 2022

3.5-Les formes de la discrimination

La discrimination dans l’emploi se matérialise sous plusieurs formes, autant en ce qui concerne le motif (apparent ou sous-entendu) que la modalité d’expression. Nous avons demandé aux participants d’en donner leur avis, en leur posant, parmi d’autres, les questions suivantes : Selon votre propre expérience, quels sont les motifs des discriminations? De quelle(s) manière(s) se manifestait directement ou indirectement cette discrimination? Nous avons offert une liste de possibles réponses, tout en permettant aux participants d’en fournir d’autres avec leurs propres mots. Les Graphiques 6 et 7 présentent les principales réponses obtenues auprès des personnes s’identifiant comme non-blanches (montrant le pourcentage de chaque motif ou modalité de discrimination sur le total de cas qui ont mentionné au moins un motif ou une modalité). L’étude explore cette dimension avec d’autres questions et variables, mais nous voulons décrire ici quelques tendances générales qui nous offrent déjà des pistes de réflexion.

Nous observons que, sans surprise, l’ethnicité est le motif le plus fréquemment évoqué en lien avec l’expérience d’avoir vécu la discrimination. Cependant, il est intéressant de constater que l’accent apparait comme un motif courant de discrimination. L’origine nationale, le statut migratoire, le patronyme et la religion sont aussi mentionnés parmi les principaux motifs. Il est à noter que la condition de femme racisée, une réponse qui met l’accent sur une dynamique intersectionnelle dont les effets sont particulièrement virulents, ressort avec un poids considérable dans les réponses. En ce qui concerne les manières dont la discrimination se manifeste, nous voyons que les micro-agressions (blagues ou imitations, sous-entendus négatifs, critiques à répétition) constituent la forme la plus mentionnée. Les comportements (ignorer, humilier, discréditer) sont aussi fréquents, ainsi que les mots dérogatoires ou offensants, mais il est à remarquer que les regards méprisants ou d’autres gestes non-verbaux caractérisent plus de la moitié des témoignages de discrimination. L’importance de ces manifestations subtiles, difficiles à documenter empiriquement et à prouver (encore plus sur le plan juridique), met les victimes devant des choix pénibles : les ignorer (même si leur répétition et accumulation peuvent avoir des conséquences psychologiques néfastes) ou tenter de convaincre ceux à qui les blagues, les gestes, etc. semblent négligeables et innocents.

Graphique 6 – fréquence (%) des répondants par motifs de la discrimination subie à l’emploi actuel (N=89).

Sources: Enquête en ligne, février 2022

Graphique 7 – répartition (%) des répondants selon la nature de la discrimination subie (N=104)

Sources: Enquête en ligne, février 2022

4-Conclusion

Cette étude est issue de l’enquête réalisée par notre observatoire auprès de 137 personnes résidents au Québec et a porté sur les expériences et perception liés aux discriminations dans l’emploi. Il ressort comme principaux résultats, d’après la perception de la grande majorité des répondants que les personnes issues de minorités visibles ou ethniques sont plus susceptibles dans leurs très grandes majorités d’être victime de discrimination lors du processus d’embauche et dans l’emploi. Cette catégorie de la population a le sentiment qu’elle doit faire plus d’effort que les autres pour avoir du mérite au travail. À hauteur de sept répondants sur dix (70%), la grande majorité estime donc qu’il existe des préjugés sur leurs performance au travail. Près de la moitié pensent que leurs diplômes et expériences antérieures à leurs arrivées au Québec ne sont pas adéquatement reconnus et qu’ils se voient confiés de moindre responsabilités compte tenu de leur statut de minorité visible ou ethnique. Les principaux facteurs de discrimination évoqués par les répondants sont liés à l’ethnicité, à la langue, aux conditions féminines, et dans une moindre mesure au patronyme ou à la religion. Ces discriminations se manifestent fondamentalement par des micro agressions, des regards et gestes au travail, des mots dérogatoires et pour la très grande majorité des répondants (neuf sur dix), le gouvernement du Québec et l’opinion publique minimise l’existence et l’ampleur de ces discrimination dans la société québécoise.